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Des mots des grands mots des tous beaux...
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19 août 2005

A Marilyn...

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Allocution prononcée par LEE STRASBERG, directeur artistique de l'Actors Studio, pour l'enterrement de Marilyn Monroe, le mardi 9 août 1962.

Marilyn Monroe était un mythe.
Elle fut la vivante incarnation de ce dont est capable une femme pauvre issue d'un milieu déshérité et, pour tous, le symbole de l'éternel féminin.
Mais les mots me manquent pour décrire le mythe et la légende; cette Marilyn Monroe, je ne l'ai pas connue.
Pour nous, qui sommes aujourd'hui rassemblés, Marilyn était un être vibrant, hardi et timide à la fois, sensible, craignant toujours d'être rejeté, mais également avide de vivre, sans cesse préoccupé de s'accomplir. Je m'en voudrais de heurter ce que le souvenir que vous conservez d'elle peut avoir d'intime et de personnel --elle même recherchait et appréciait cette intimité-- en m'efforçant de raconter à vous qui la connaissiez celle que vous avez connue. Non seulement comme une ombre sur un écran mais aussi comme une brillante individualité, elle se survit dans nos mémoires.
Pour nous Marilyn était une amie dévouée et fidèle, une collègue qui s'efforçait toujours de mieux faire; nous partagions ses angoisses, ses difficultés et certaines de ses joies. Elle faisait partie de notre famille. Que cet effroyable accident ait mis un terme à son appétit de vivre est à peine croyable.
Les succès et le triomphe qu'elle avait remportés sur l'écran ne l'empêchaient pas de caresser des projets d'avenir; elle envisageait de participer aux milles choses passionnantes dont elle rêvait. Car, pour elle comme pour moi, sa carrière ne faisait que débuter et le rêve du talent qu'enfant elle nourrissait n'avait rien d'illusoire. La première fois qu'elle vint me voir, son étonnante sensibilité, demeurée vibrante et intacte, qui cherchait à s'extérioriser en dépit des conditions de vie auxquelles elle avait été astreinte me stupéfia. D'autres femmes étaient aussi belles mais il y avait apparemment chez elle un élément de plus, que le public décelait et percevait dans ses interprétations. Quelque chose dans laquelle il se reconnaissait. Elle possédait le don étonnant --à base de désir silencieux, de rayonnement et d'ambition-- de garder ses distances et, en même temps, de faire en sorte que chacun veuille partager ce sentiment, cette candeur enfantine, mélange de timidité et de ferveur.
Ce don était plus évident encore lorsque Marilyn était sur scène. Du fond du cœur je regrette que le public qui l'aimait n'ait pu la voir, comme nous l'avons vue, interpréter des rôles qui laissaient pressentir ce qu'elle serait devenue. Elle aurait été, j'en suis persuadé, une grande actrice.
Désormais c'en est fait. J'espère que sa disparition contribuera à faire mieux aimer et comprendre une artiste sensible et une femme qui fut pour tous une source de joie et de plaisir esthétiques.
Je ne lui dirai pas adieu, Marilyn détestait les adieux, mais, comme elle qui savait retourner les choses pour qu'elles concordent avec la réalité, je lui dirai au revoir. Car, nous aussi, nous rejoindrons, un jour, le pays pour lequel elle nous a quittés.
Lee Strasberg
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